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Histoire du Vietnam

L’histoire du peuple vietnamien est une histoire touffue et mouvementée, marquée par des occupations étrangères et des guerres de résistance successives.

Elle s’est développée avec des fortunes diverses, des progrès et des reculs, comme celle de tous les peuples. Mais l’écrivain américain Susan Sontag a remarqué à juste titre, à son retour à Hanoi en pleine guerre, que “l’histoire est (ici) vécue, ressentie; elle n’a rien de commun avec cet exercice abstrait… surtout prôné par des intellectuels occidentaux”.

Ainsi, nous n’avons pas la vocation à faire dans le cadre de cette présentation un exposé, même récapitulatif, de l’histoire vietnamienne. Nous estimons cependant nécessaire, notamment pour les profanes, de retenir quelques repères pour avoir un minimum de connaissances historiques sur notre pays.

Le culte des ancêtres au Vietnam 1920

On pourrait dire pour résumer que, tout en cherchant à s’étendre vers le Sud, le Vietnam s’est toujours préoccupé de se défendre contre son puissant voisin du Nord : La Chine expansionniste.

Le professeur Huu Ngoc, parfaitement francophone et francophile, a proposé la formule suivante pour soulager la mémoire de l’histoire du Vietnam :

1.000 + 1.000 + 900 + 80 + 30 (ans)

Ce qui veut dire:

  • Moins de 1.000 ans avant Jésus christ : période de formation de l’identité nationale vietnamienne : civilisation des Viet du Fleuve Rouge (age du bronze, période Dong Son).
  • Plus de 1.000 ans de domination chinoise (179 AC – 938 AD) : nombreuses insurrections.
  • 900 ans d’indépendance nationale (938-1862) : dynasties nationales, expansion vers le Sud, influence culturelle chinoise et résistance contre l’occupant potentiel.
  • 80 ans de colonisation française (1862 – 1945) : les premières conquêtes françaises datent de 1858. Occupation japonaise de 1940 à 1945.
  • 30 ans de guerre d’indépendance (de la Révolution d’août 1945 à 1975) : guerre de résistance contre les français, terminée par la bataille de Dien Bien Phu (1954) puis guerre de résistance contre les américains, terminée avec la libéralisation de Saigon (1954-1975)

Une origine semi-légendaire

Le Vietnam est un pays issu d’un brassage ethnique complexe. Jusque dans les années 1960, les récits sur les origines du peuple Viet se sont principalement basées sur des sources chinoises : selon celles-ci, le peuple vietnamien serait d’origine chinoise, et descendrait des populations Yue ayant migré vers le Sud. Le mot Yue, traduit en Vietnamien par Viet et signifiant « au-delà » ou « lointain », désignait alors pour les Chinois l’ensemble des peuples vivant au Sud du Yangzi. Ces populations, d’ethnie Muong et Tay, se seraient mélangées, au cours de leur migration vers le Sud, avec d’autres peuplades, les Mélano-indonésiens, qui auraient eux-mêmes, par la suite, migré vers l’Insulinde. Ce mélange aurait donné naissance au peuple des Viets, longtemps appelés en Occident Annamites, par métonymie avec l’Annam. Dans les années 1920, des recherches archéologiques ont fourni des indications sur une civilisation antérieure à ces migrations, qui auraient existé au Nord de l’actuel Vietnam. Depuis les années 1960, des archéologues vietnamiens se sont employés à prouver l’existence de cette civilisation, qu’ils font remonter à 4000 ans av. J.-C. Des découvertes tendent à indiquer que des Etats ont existé au Vietnam entre 2 878 av. J.-C. et le IIIe siècle av. J.-C., voire au-delà : selon la vision vietnamienne de l’histoire, le berceau du Vietnam se situerait dans le delta du Fleuve Rouge et non dans la région chinoise du Yangzi.

Faute d’histoire écrite, le récit de l’ethnogenèse du peuple Viet se confond avec la légende. Le peuple Viet serait né des amours de la Reine fée Au Co, issue du Feu et du Seigneur dragon Lac Long Quan, issu de l’Eau : mariés malgré leurs natures différentes, ils auraient donné naissance à cent œufs, d’où seraient sortis cent enfants. L’Eau et le Feu ne pouvant demeurer mariés, Lac Long Quan et Au Co prennent la décision de se séparer. Cinquante de leurs enfants descendent vers la mer, guidés par leur père, et cinquante autres suivent leur mère sur la montagne, pour y constituer les peuples montagnards minoritaires. L’aîné des fils partis avec Au Co devient, sous le nom de Hung Vuong, le souverain d’un royaume appelé Van Lang (« pays des hommes tatoués », situé dans le delta du Fleuve Rouge) : il fonde la dynastie Hong Bang. Les Vietnamiens considèrent que cette dynastie semi-légendaire, identifiée au Vietnam proprement dit, est apparue en 2879 av. J.-C. : les Chinois donnent à ce peuple originel le nom de Cent Yue (traduit par Bac Viet ou Bach Viet, soit Cent Viets).

La légende ne cède le pas à l’Histoire qu’à partir de 258 av. J.-C. : le Van Lang est alors soumis par Thuc Phan, un souverain voisin (Chinois pour les uns, Viet selon les autres) qui fonde le royaume élargi d’Au Lac, et règne sous le nom de An Duong. La capitale du royaume est Co Loa, dont des vestiges subsistent au Nord d’Hanoï. En 221 av. J.-C., l’empereur Qin Shi Huang, ayant achevé l’unification de la Chine, se tourne vers le pays des Cent Viets. Mais les tribus Tay Au mènent une guerre de guérilla contre les soldats chinois et finissent par les repousser. Le général chinois Zhao Tuo (appelé Trieu Da par les Vietnamiens), appelé en renfort, renverse finalement le roi An Duong et s’empare du royaume d’Au Lac ; mais la mort de l’empereur de Chine et la chute de la dynastie Qin lui donnent des idées d’indépendance. En 206 av. J.-C., Zhao Tuo fonde la dynastie des Yue du Sud (appelée par les Vietnamiens « Dynastie Trieu ») en se proclamant roi d’un nouvel Etat, le Nam Viet (Viet du Sud ; en Chinois, Nan Yue). Ce royaume, large de deux à trois cent kilomètres, longe la mer de Chine, de la Porte d’Annam au Sud, jusqu’au Nord de l’actuelle Canton. Zhao Tuo adopte les mœurs et les coutumes des Viets et organise son royaume en plaçant les provinces sous l’autorité de légats chargés des registres du cens et de la levée des impôts, pratiques qui perdurent à travers les siècles. Le Nam Viet existe jusqu’en 111 av. J.-C., date à laquelle l’empereur de Chine Wudi, de la dynastie Han, profite d’une guerre de succession entre les descendants de Zhao Tuo. Des membres de la communauté chinoise du Nam Viet sont tués pendant les troubles, ce qui sert de prétexte à l’empereur pour envoyer ses troupes « rétablir l’ordre » dans le royaume voisin. Le Nam Viet passe alors sous la coupe de la Chine, et ce pour plus d’un millénaire

De la domination chinoise à la colonisation française

Pendant plus d’un millénaire, le Vietnam est une possession de la Chine : la domination chinoise commence en 111 av. J.-C., quand la dynastie Han s’empare du royaume du Nam Viet. C’est dans le contexte de la lutte pour l’indépendance vis-à-vis de la Chine que se forge une conscience nationale Viet : la nation vietnamienne qui émerge progressivement n’en demeure pas moins marquée par des structures étatiques inspirées de celles de la Chine, et par une culture en grande partie sinisée. En 939, le pays devient indépendant après une révolte menée par Ngo Quyen ; le Dai Viet ménage cependant ses rapports avec l’empire chinois en continuant de reconnaître sa suzeraineté et en lui payant tribut. Tout en n’étant plus une possession de la Chine, le pays en demeure donc un État vassal.

A compter du Xe siècle, la trame de l’histoire du pays se confond avec l’expansion des Viets vers le Sud, via un processus de conquête territoriale appelé le Nam Tien (la « marche vers le Sud »). Le Dai Viet doit à plusieurs reprises lutter pour conquérir ou défendre son territoire, face au royaume de Champa puis à l’Empire mongol ; plusieurs dynasties rivales se disputent également la souveraineté du pays. Jusqu’au XVe siècle, le Dai Viet doit partager le territoire de l’actuel Vietnam avec le Champa, pays des Chams : la défaite du Champa oblige les Chams à se replier sur un territoire plus réduit et à accepter la domination des Viets. Des territoires Khmers sont également conquis au cours de la marche vers le Sud. Outre les Viets, l’histoire du Vietnam se confond donc également avec celles d’autres peuples comme les Hoas (Vietnamiens d’origine chinoise), les Khmers Krom (minorité khmère) et les Chams, ainsi que d’un grand nombre d’autres minorités : l’ethnie viet tient néanmoins un rôle prépondérant dans sa formation en tant qu’Etat.

De la fin du XVIe à la fin du XVIIIe siècle, le Dai Viet est de facto divisé en deux. Les seigneurs de la famille Trinh dominent le Nord et ceux de la famille Nguyen le Sud, tandis que les souverains Le ne règnent plus que symboliquement. Les Nguyen finissent par l’emporter après avoir vaincu l’insurrection des Tay Son : la dynastie Nguyen règne cette fois en son nom propre sur le pays, rebaptisé Vietnam puis Dai Nam, mais connu en Occident sous le nom d’Annam.

La colonisation française

L’immixtion des amiraux français dans le domaine politique suivie d’interventions militaires à l’intérieur des frontières de la nation, allait aboutir à la signature des traités de 1862 et de 1874 plaçant le Vietnam sous la tutelle de la France (en septembre 1858 une flotte française conduite par l’amiral Rigault de Genouilly s’empare de la baie de Danang – francisée en Tourane).
Le royaume fondé par l’empereur Gia Long (qui règne de 1802 à 1820) fut intégré dans une entité géographique appelée « Indochine française » englobant deux autres pays : le Cambodge et le Laos.

Pour des raisons de commodité administrative, le Vietnam était aussitôt scindé en trois parties : le Tonkin au Nord, l’Annam au Centre et la Cochinchine au Sud. Tandis que la Cochinchine était directement gouvernée par les autorités françaises en tant que colonie, le Tonkin et l’Annam, devenus protectorats français, conservaient une certaine autonomie incarnée par un empereur, descendant des Nguyen, qui détenait un pouvoir plutôt symbolique.

Cette abdication de la souveraineté nationale devait entraîner les patriotes vietnamiens dans une lutte sans répit contre la France, lutte concrétisée par de nombreux et fréquents soulèvements armés à travers tout le royaume. De Phan Boi Chau à Hô Chi Minh, chacune selon ses possibilités, à sa manière et sur sa voie, plusieurs révoltes ont eu lieu. Les résistances vietnamiennes à la colonisation française se sont succédées, des révoltes et jacqueries paysannes à celles des lettrées. Mais ces divers mouvements ont été tous réprimés car ils étaient mal organisés.

Il a fallu attendre la fin de la seconde guerre mondiale pour voir le Vietnam accéder à l’indépendance à la faveur de la conjoncture internationale.

Le recouvrement de l’indépendance

En 1940, l’Empire du Japon envahit l’Indochine française. Un traité franco-japonais de cessez-le-feu est finalement signé, l’Indochine demeurant pour la durée du conflit un lieu de transit pour les soldats japonais. Les forces françaises sont tolérées par l’occupant japonais car elles ne disposent ni d’un armement moderne ni d’un soutien de la métropole, l’Etat français étant officiellement neutre. En 1941, le Parti communiste indochinois crée la ligue Viet Minh (Ligue pour l’indépendance du Vietnam), dont Hô Chi Minh prend la tête.

En 1945, l’administration mise en place par Vichy est toujours en fonction en Indochine française. Le 9 mars 1945, craignant une incursion alliée en Indochine, l’occupant japonais réalise un coup de force contre les Français, nettoyant toute l’Indochine française de toute présence administrative et militaire française. Les forces armées françaises sont attaquées par surprise. Les civils et militaires français sont emprisonnés (les femmes et les enfants) ou massacrés (les hommes et les métis eurasiens). Un chaos politique s’ensuit : le 11 mars, l’empereur Bao Dai, collaborant avec les Japonais, proclame l’indépendance et la réunification du pays. Le 10 août, le Viet Minh entre en conflit ouvert avec les Japonais. Le 15 août le Japon annonce sa capitulation. A partir du 17 août, le Viet Minh prend le pouvoir à Hanoï au cours de l’épisode connu sous le nom de « Révolution d’Août ». Le 2 septembre 1945, sur la Place Ba Dinh à Hanoï, Hô Chi Minh proclame l’indépendance de la République démocratique du Vietnam. L’empereur Bao Dai, ayant abdiqué, devient « conseiller spécial » du premier gouvernement de la République. Les troupes françaises réinvestissent l’Indochine à l’automne, tandis que l’armée de la République de Chine occupe le Tonkin.

Ce n’est que dix ans plus tard, c’est-à-dire le 4 juin 1954, que le Gouvernement de la République Française avalisait juridiquement l’indépendance du Vietnam après la défaite de Dien Bien Phu qui marquait la fin d’une période d’affrontements parfois sanglants entre le Viet Minh et l’armée coloniale. Le Vietnam, par voie de conséquence recouvrait légalement à cette date ses frontières historiques, telles qu’elles figuraient dans les relevés topographiques officiels de 1862.

La résistance anti-américaine et la guerre Nord – Sud (1954 – 1975)

La grande joie du peuple vietnamien fut de courte durée. En effet, le destin du pays n’en était pas pour autant sceller: un mois plus tard, le 21 juillet 1954 exactement, la Conférence de Genève, entérinant les accords de cessez-le-feu intervenus entre la France et le Viet Minh, décrétait la scission du territoire national en deux portions à peu près égales, selon une ligne de démarcation constituée par le 17ème parallèle, approximativement à la hauteur.

Les provinces se trouvant au Nord de cette rivière relèveraient de la Rivière Ben Hai, dans la province de Quang Tri (Centre Vietnam).désormais de la «République Démocratique du Vietnam» qui est communiste, tandis que les territoires situés au Sud allaient passer d’abord sous la juridiction de l’État du Vietnam, ensuite sous celle de la République du Vietnam fondée le 26 Octobre 1955, placée sous l’influence américaine.

S’est alors ouverte une période de guerre atroce opposant le Vietnam du Sud, secondé par les Etats-Unis, au Vietnam du Nord, aidé par la Chine et l’Union Soviétique, causant la mort de millions de personnes. 20 ans après, suite au retrait des troupes américaines, le pays est réunifié en 1975 et passe dans son intégralité sous le régime communiste qui perdure jusqu’à nos jours.

La période contemporaine

Après une courte période de repli sur soi et d’économie planifiée depuis la réunification du pays, le Vietnam a commencé à s’ouvrir vers l’extérieur depuis 1986, avec l’adoption de la politique dite de renouveau, politique qui a rapidement sorti le pays des difficultés économiques et diplomatiques. Le rétablissement des relations avec les Etats-Unis est amorcé en 1992, avec le lever de l’embargo. Le Vietnam est devenu membre à part entière de l’Association des pays de l’Asie du Sud-Est (ASEAN) en 1995, de l’Association de Coopération Economique Asie Pacifique (APEC) en 1998, et de l’Organisation Mondiale du Commerce en 2006.

Sur le plan extérieur, le Vietnam poursuit depuis l’ouverture une politique axée sur la diversification et la multilatéralisation de ses relations internationales ainsi que sur une intégration active à la vie internationale.

Depuis quelques années, l’on assiste à un rapprochement de plus en plus marqué entre Hanoï et son ancien « ennemi impérialiste », les Etats-Unis.

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