Les marionnettes sur l’eau constituent un art populaire très répandu dans le delta du Fleuve Rouge. Né au 12ème siècle, ce théâtre fit sans doute partie, à l’origine, des rites d’invocation de la pluie chez les cultivateurs de riz en terrain inondé, avant de devenir un divertissement populaire. Il est généralement joué à l’occasion du Têt dans les mares situées devant les maisons communales, rassemblant les spectateurs de tout âge du village.
La scène est une étendue d’eau derrière laquelle se trouve la chambre des montreurs. C’est à partir d’ici que les marionnettistes, à moitié plongés dans l’eau et cachés derrière un rideau de bambou, manipulent les comédiens en poupées par un mécanisme fait de perches, de tiges, de gaines et de charnières.
Un spectacle de marionnettes sur l’eau est animé par plusieurs « personnages ». Chacun de ces personnages (la marionnette) est une véritable oeuvre de sculpture populaire, différent des autres et revêtu d’un caractère propre. Le personnage le plus représentatif de cet art scénique est le petit TEU au corps arrondi et au sourire optimiste.
Le déroulement d’un spectacle traditionnel
Décrit par le vietnamologue Huu Ngoc : le spectacle s’ouvre sous l’explosion des pétards, créant une atmosphère de fête extrêmement joyeuse et entrainante.
La représentation est annoncée par plusieurs roulements de tam-tams. L’orchestre est majoritairement constitué d’instruments à percussion afin de mieux rythmer les gestes des marionnettes. Dans le bruit des tambours, des crécelles, des cors en cor
Les personnages entrent en scène et sortent de scène à travers le store de bambou, glissant gracieusement sur l’eau. Un double choeur, masculin et féminin, échange questions et réponses en guise de commentaire. Le véritable meneur de jeu est la marionnette Teu, solide gars de la campagne. Il présente le programme et raconte les affaires du village. Buffon, il critique les autres personnages, les tourne en ridicule, prodigue des conseils, provoque le rire. Optimiste et sensé, il se permet de décocher des flèches à la hiérarchie féodale.
Plusieurs numéros enchantent l’imagination populaire: danse des fées au son des flûtes, évolution des dragons crachant des trombes d’eau et de feu, ébats des phénix amoureux. Mais ce sont les scènes de la vie quotidienne qui font le charme d’un art scénique paysan: combat de buffles; la pêche (les poissons sautent hors du filet et renversent la barque où se trouvent l’homme et sa femme); la jeune mère qui s’arrête de tisser pour donner le sein à son nourrisson qu’elle endort ensuite par une berceuse nostalgique; le renard qui grimpe sur un arbre pour attraper un oiseau ou qui vole un caneton à un vieux couple ; le mandarin qui saute du palanquin pour enfourcher un cheval… Le répertoire comporte aussi des scènes tirées de l’opéra populaire chèo, de l’ancienne histoire du Vietnam et des classiques chinois. C’est donc toute l’âme de la rizière vietnamienne qui s’exprime avec ses personnages, traditions, rituels, animaux familiers, dieux et génies divers.
Chaque numéro de marionnettes sur l’eau est un spectacle joyeux dans lequel humour et humanisme se mélangent. La vie pénible des rizières n’a jamais privé le paysan de sa joie de vivre ni de son sourire optimiste. C’est toujours ce sourire qu’on rencontre aujourd’hui sur les chemins du Vietnam.
Coutume et art populaire, les estampes vietnamiennes reflètent la vie simple et les traditions culturelles des villages vietnamiens. Ces images populaires fortement ancrées dans la culture du delta du fleuve Rouge servaient originalement à décorer l’intérieur des maisons lors de la fête du Têt, le traditionnel nouvel an lunaire vietnamien. Un savoir-faire ancestral qui connait un nouveau regain d’intérêt depuis quelques années grâce notamment à l’émergence d’artistes qui leur ont donné une nouvelle jeunesse.